vendredi 23 octobre 2009

"Si tu penses, tu es foutu"


Quel est ce curieux conseil que j'entends depuis des années sans le comprendre?

Je l'ai entendu, il y a bien longtemps de cela, quand je m'essayais aux planches. Maintenant, c'est mon maitre d'arts martiaux qui l'emploie comme une ritournelle.

"Si tu penses, tu es foutu".

Comme ces 6 mots peuvent sonner étrangement à l'oreille d'une personne qui a été élevée dans un milieu intellectuel! Milieu où, indéniablement, la valeur suprême était l'intelligence, où il fallait toujours s'en remettre à sa pensée avant d'agir. Connaissez vous cette phrase de la chanson d'Higelin " esprit es tu là, je vous remercie"?

Il m'aura fallu des années -autant dire un siècle d'erreurs et de recommencements- pour assimiler cette petite phrase anodine : "si tu penses, tu es foutu".

Se rendre compte que 90% de ce qui agite notre cerveau n'est pas utile, quelque soit notre degré d'intelligence, et nous encombre ce que dans le bouddhisme on appelle "esprit".

"Avoir de l'esprit" suppose souvent d'avoir l'esprit limpide. Si la pensée prédomine et est sans cesse en mouvement, à agiter nos petites neurones, il sera en réalité bien difficile d'avoir de l'esprit.

Car "avoir de l'esprit" suppose un lâcher prise, ce même lâcher prise dont on n'a recours pour aller sur scène, faire un "taolou" en kungfu (dites moi comment cela s'écrit...?), chanter sans déchiffrer une partition, lancer sa flèche en atteignant sa cible....

Loin de faire l'apologie de l'efficacité, je veux simplement rendre compte d'une expérience de vie. La métaphore du tir à l'arc me semble appropriée. Il faut parfois, viser juste, être en pleine capacité afin de ne pas rater sa cible. Si la pensée vient parasiter le geste, affluant à la surface de notre esprit pour faire entrer le doute, il devient impossible d'agir sereinement.

Il faut donc taire l'esprit "ce petit singe" dont parle les pratiquants du Bouddhisme et se jeter à l'eau en faisant pleinement confiance à l'instant, à notre intelligence de l'instant.

Cette intelligence n'est donc pas synonyme de pensée analytique, il s'agit d'une forme d'intelligence plus spontanée, animale, d'une forme d'intelligence plus vive.

Quand on réussit ce saut dans le vide, quand on arrête de se réfugier dans la pensée, on atteint généralement sa cible.


3 commentaires:

  1. C'est vraie mais difficile quand on a était entourer par la mise en avant constante de l'intellect a tous les niveaux.

    La magie de l'instant présent.

    Ou laisser le flux traverser sans l'interrompre par la pensée.

    On peut aussi citer le fait que les ivrognes ne se blessent presque pas en tombant.

    Quand on connait le Tao, ce n'est plus le Tao.

    On atteint la limite des mots, le silence est la suite.

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  2. C'est une phrase qui est en effet difficile à comprendre avec son mental, puisque c'est une phrase qui nie le mental, c'est comme demander à une armée de se décimer toute seule ;-)

    Je ne crois d'ailleurs pas qu'on puisse dire qu'il ne faille plus penser, car la pensée est d'une richesse qui nous sauve, nous enrichit culturellement, nous apporte aussi de la satisfaction

    Qu'en arts martiaux, en art tout court, la pensée doit être sublimée, comme la technique doit être apprise pour être dépassée, est évident (à dire ;-) )
    mais nous avons besoin de la pensée pour gérer aussi notre vie, nos responsabilités, par exemple en tant que parents

    En fait le risque c'est de confondre le "singe" avec la pensée, le singe c'est le penseur qui devient la pensée, alors qu'il me semble de ma modeste expérience, que la méditation, le zen nous amène plutôt à être cette pensée sans "penseur" (comme Dogen le dit "c'est s'oublier soi même")

    PS : Antony je ne connais pas ton expérience, mais professionnellement je peux te dire que j'ai eu souvent l'occasion de rencontrer des personnes sous l'emprise de l'alcool et qui se sont bel et bien blessées !! :-(

    chaleureusement

    frédéric :)

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  3. oui, jeter le singe avec l'eau du bain mental ...
    pourquoi pas ?
    ...
    parallèlement, je ne connais pas de [raison] d' "être" spontané(e) ... donc : soyons !

    ~~Une sirène~~

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